« Pourquoi on pleure ? »
m'a demandé une petite fille aux yeux noisette noyés de larmes. C'était au début de ma pratique en pédopsychiatrie, il y a plus de vingt ans. Je lui avais répondu que pleurer aidait à faire sortir la tristesse.

« Oui, mais comment ça marche ? Elle sort comment, la tristesse ? »

Sa question m'a désarçonnée. Je ne savais pas. Pas vraiment.


Ce que j'aurais pu lui répondre

Les pleurs sont notre premier langage. Avant même les mots et les gestes intentionnels, les bébés pleurent pour dire la faim, l’inconfort, le besoin de présence. Paradoxalement, dès que l'enfant acquiert la parole, on lui demande de troquer ses larmes contre des mots. « Utilise tes mots », « arrête de faire le bébé » — comme si pleurer était une régression plutôt qu’une expression légitime.

Dans mon bureau, adultes et enfants s'excusent de pleurer. Ils s'excusent de pleurer dans le seul endroit où ils viennent précisément pour ne plus avoir à contenir. Enfant, nous apprenons vite cette retenue : pour ne pas inquiéter, pour ne pas déranger, pour paraître fort·e·s. Mais en retenant nos larmes, on se prive aussi d'apprendre quelque chose d'essentiel : comment se laisser consoler.

La chimie des larmes

Il existe trois types de larmes :

  • Les basales, qui maintiennent l'œil hydraté

  • Les réflexes, qui nous protègent des irritants (oignon, poussière, fumée)

  • Les émotionnelles, apparemment uniques aux humains

C'est William Frey II, biologiste à l'Université du Minnesota, qui a découvert dans les années 1980-90 que les larmes émotionnelles ont une composition chimique distincte. Contrairement aux larmes réflexes, elles contiennent des hormones de stress comme le cortisol et des endorphines naturelles.

En d'autres termes : pleurer évacue littéralement le stress du corps et sécrète des anti-douleurs naturels. La tristesse (lire : la souffrance) « sort » au sens biochimique du terme – sous forme de molécules évacuées dans nos larmes. Le soulagement qu'on ressent après avoir pleuré n'est pas qu'une impression : c'est un processus physiologique mesurable.

Vingt ans plus tard…

Si cette petite fille me lisait aujourd’hui, elle aurait sans doute la trentaine, peut-être même des enfants — et je lui dirais : tu avais raison de vouloir comprendre. Tes larmes déclenchaient un système de régulation émotionnelle et physique. Elles envoyaient aussi un signal ancien, pré-verbal, universel : « j’ai besoin de présence ».

Dans une culture qui valorise le contrôle, la performance, et qui cherche par tous les moyens à évacuer les tensions sans avoir à les ressentir, pleurer devient un acte de résistance. C'est accepter que parfois, le corps sait mieux que nous ce dont on a besoin. C'est reconnaître qu'on n'est pas fait·e·s pour porter seul·e·s nos peines.

Les larmes ne mentent pas. Elles arrivent quand les mots ne sont pas encore là, quand ils ne suffisent plus, quand le corps prend le relais pour dire ce qui déborde. Dans les deuils, les transitions, elles sont souvent le premier mouvement vers autre chose. Maintenant, je dis aux enfants que nous allons créer des petits radeaux, y déposer tous nos espoirs et les laisser flotter sur nos larmes vers la prochaine étapes de notre vie.

Alors pleurez si vous en avez besoin. Sans excuses. C'est de la bonne science.

INVITATION

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Une invitation pour ceux qui traversent un deuil
(ou qui ont envie de tout plaquer là…)

Le 3 novembre prochain, je partagerai ce que j'ai appris sur ces voyages entrepris en plein chagrin. Pas pour dire s'il faut partir ou rester, mais pour comprendre ce qui se passe quand on tente de changer de paysage avec son deuil dans les bagages. Nous parlerons surtout des stratégies d'ancrage — ces façons de créer des repères qui nous permettent d'osciller entre la peine et la vie qui continue.

Si le sujet vous touche, vous ou un proche, les détails sont ici :

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Pour participer en salle
6086 rue Sherbrooke Est (Plaza Antique)
Metro Cadillac

À VENIR

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Voyages et coeurs brisés