Le deuil blanc :
quand la personne vivante, mais déjà partie…
Le sentiment de perte ne se vit pas seulement au moment d’un décès. Il peut survenir quand quelqu’un qu’on aime est encore en vie, mais n’est plus vraiment présent. Le corps est là, la voix aussi, mais quelque chose d’essentiel s’est effacé. On appelle cela le deuil blanc — une forme de perte silencieuse, difficile à reconnaître et encore peu nommée.
Une perte sans moment précis
Le deuil blanc est un paradoxe : la personne existe toujours, mais plus tout à fait. Sa mémoire, sa personnalité ou sa capacité de relation se transforment au point qu’on ne la retrouve plus. Ce type de perte est souvent lié à une maladie neurodégénérative (comme l’Alzeihmer), à un traumatisme crânien sévère ou à certaines maladies mentales graves. Dans d’autres cas, il peut être provoqué par une dépendance qui prend toute la place, effaçant peu à peu la personne qu’on aimait.
Ce deuil est difficile parce qu’il ne s’accompagne d’aucun rituel. Il n’y a pas de date pour marquer la rupture, peu de mots pour dire ce qui a disparu. L’entourage ne comprend pas toujours la souffrance qui s’installe, et les proches se sentent parfois isolés, comme s’ils vivaient un chagrin sans légitimité.
L’entre-deux émotionnel
Vivre un deuil blanc, c’est se retrouver dans un entre-deux complexe : continuer à prendre soin d’une personne qui ne peut plus vraiment répondre à la relation. Cela peut durer des mois, parfois des années. On se lève chaque jour pour être présent, tout en ressentant la perte de ce lien qui faisait sens : les rires, la complicité, les discussions... C’est une expérience éprouvante, qui se confronte à la fatigue, à la colère et souvent à la culpabilité.
La culpabilité de penser à soi, de ressentir du soulagement par moments, ou même d’espérer que la situation change — toutes ces émotions sont normales, même si elles sont difficiles à admettre. Elles témoignent du besoin de reconnaissance et de répit.
Reconnaître la réalité du deuil blanc
Ce deuil est souvent invisible, car il ne correspond pas aux représentations habituelles de la perte. On ne fera pas un rituel pour vous soutenir chaque fois que la personne aimée perdra des capacités. Le sentiment d’isolement pourra se faire sentir.
Pourtant, la perte est bien réelle. Reconnaître qu’il s’agit d’un deuil à part entière, c’est déjà un premier pas vers la légitimité de la douleur. Nommer ce qu’on vit, c’est aussi ouvrir la possibilité d’en parler, d’être soutenu et de trouver peu à peu une nouvelle façon d’être en lien avec la personne, autrement.
Dans le prochain article, je vous offre des pistes concrètes pour traverser cette épreuve et soutenir ceux qui la vivent.
Pour en savoir plus sur le deuil blanc et les stratégies d'adaptation, vous pouvez écouter la Clinique Famille à laquelle j’ai participé avec Nadia Gagnier à l'émission Pénélope de Radio-Canada :